Bien que n’étant pas du monde de l’éducation, j’ai participé à l’événement intitulé Clair 2011 – pour voir l’éducation autrement, qui en était à sa 2e édition. Sous forme d’un BarCamp, l’événement regroupe des éducatrices et éducateurs qui réfléchissent sur ce que permettent les outils du Web 2.0 dans l’enseignement.
J’ai déjà donné mon point de vue de parent et d’acteur de la communauté dans un billet publié sur le blogue de la Belle et la Bête du portail Web de l’hebdomadaire InfoDimanche. Puisque vous êtes certainement vous-même l’un ou l’autre, parent ou acteur dans votre communauté, je vous invite à le lire et le commenter si le coeur vous en dit L’avenir de nos enfants à l’ère du web 2.0.
Sur mon blogue personnel, j’aimerais y aborder un aspect qui me touche plus particulièrement au niveau professionnel : l’entrepreneuriat et le monde des affaires.
Nous n’étions que quelques entrepreneurs parmi cette foule d’éducateurs, mais parmi cette foule d’éducateurs, on en trouvait aussi quelques-uns qui combinent les deux passions et qui roulent une entreprise tout en enseignant, ou qui sont d’anciens enseignants et maintenant en affaires. On pourrait croire que le pont est fait entre les deux mondes et pourtant… ce n’est pas toujours l’impression que j’ai eue pendant l’événement.
Et ce constat va des deux côtés, alors je n’ai pas de reproches pour un plus que pour un autre.
Le monde des affaires
La nouvelle de l’heure est que le Québec manque d’entrepreneurs, une situation alarmante on le sait. On entend parler plusieurs spécialistes de la question qui ont tous une solution à proposer pour augmenter le nombre d’entrepreneurs au Québec. À un moment donné, j’ai eu le goût de les inviter à venir voir ce qui se passe à Clair. C’est beau les consultations et les ressources d’aide pour ceux qui débutent, mais encore faut-il que l’étincelle soit semée dès le plus jeune âge! Est-on allé voir sur le terrain? La réalité des entrepreneurs de demain ne sera VRAIMENT pas celle de ceux d’aujourd’hui.
On vit dans un monde en changement constant. Est-ce qu’on apprend à gérer le changement, voire à aimer le changement? Même en tant qu’entrepreneur, supposément un agent de changement, quand les affaires commencent à bien aller, combien d’entre nous oublient d’avoir une vision à long terme? On entre dans une zone de confort et… c’est confortable.
Les gens du Québec ont déploré l’absence d’un représentant du Ministère de l’Éducation (MELS) de notre province alors que cinq représentants du Ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick y était, et qui plus est, ils n’y étaient pas en simple observateur mais y ont eu une participation très active.
J’irai plus loin que ça, le Ministère du Développement Économique (MDEIE) devrait aussi s’intéresser à comment allumer les jeunes à développer l’économie de demain. Les chefs d’entreprises devraient y jeter un oeil aussi pour comprendre quel genre de jeunes ils auront besoin dans l’avenir pour assurer la relève de leur entreprise.
Bon, voilà que je prends un ton éditorialiste ou politique, qui aurait cru…!
Le monde de l’éducation
Ouf! Ces trois jours passés à Clair étaient un vrai laboratoire d’observation de la réalité des enseignants d’aujourd’hui. J’étais en présence de gens passionnés de leur métier, mais qui doivent se battre constamment pour instaurer le moindre petit changement dans leur façon de faire. Un événement comme Clair 2011 leur permet d’aller chercher l’énergie nécessaire pour continuer. Ils constatent qu’ils ne sont pas seuls et que leurs idées, d’autres les ont eues, ils ne sont donc pas fous d’y croire!
Mais comment former des jeunes à aimer le changement si rien ne change dans nos écoles?
Et vous savez, la zone de confort, même le plus innovant des enseignants l’a aussi. Quand l’idée a été lancée par un autre entrepreneur présent sur place, Luc Gendron,d’amener de plus en plus de chefs d’entreprises à cet événement l’an prochain afin d’aider la communauté éducative à faire pression auprès des instances décisionnelles pour instaurer une culture de changement dans les écoles, le langage non-verbal fut éloquent.
J’ai vu qu’on venait de frapper un mur auprès de certains éducateurs, pourtant innovateurs et ouverts.
La construction du pont n’est pas totalement terminée.
Et l’intérêt pour en terminer la construction doit être semé, à mon avis, parce que je pense que l’un a besoin de l’autre et vice et versa. C’est en bousculant l’ordre établi qu’on apporte parfois un vent de changement, mais pour l’instant, le fossé n’est pas comblé.
Faites circuler ce billet auprès de vos relations en éducation, j’aimerais bien savoir ce qu’elles en pensent. Et vous qui êtes peut-être en affaires, avez-vous le goût de compléter la construction du pont?
Bonjour Cindy,
Concernant l’intervention du MDEIE dans la construction d’un pont entre les jeunes et les entrepreneurs, il y a de chaque côté de la rive deux mondes différents dans l’utilisation des TIC. Les jeunes ont de plus grandes habiletés à utiliser les TIC. Ils sont venus au monde avec le numérique, Ils nomment leur appareil photo sans avoir besoin d’y ajouter «numérique», leur musique et leur téléphone ne sont pas à la maison, mais sur eux dans leur iPod, MP3, les livres ne sont pas à la bibliothèque mais sur l’internet et sur leur portable. Ce sont des natifs du numérique. Ils ont développé des habiletés avec les outils technologiques.
Les entrepreneurs dans une très grande majorité sont des immigrants du numérique, dont l’intégration des connaissances de l’internet et du numérique est assez asymétrique. On peut comparer cela a un fromage Gruyère, des fois, il y a de la pâte, mais il y a aussi des trous. Mon analyse de la situation au Québec, montre qu’il y a plus de trous que de pâte. Il y a un retard important sur le domaine que le CEFRIO a documenté, il y a quelque temps.
L’écart de connaissances des processus du Web 2.0 entre le savoir-faire des jeunes et des entrepreneurs est tellement grand que la visite en entreprise et les stages, une partie du pont dont tu fais état, rendent contre productif le recrutement et la relève. Une étape préliminaire de rehaussement des connaissances et surtout des compétences dans les processus d’affaires,chez les entrepreneurs, devrait être réalisée. Des initiatives comme le Focus 20, le WEB2BIZ, BSL-2.0, Yulbiz et d’autres ont démontré des signes positifs. Issus de personnes curieuses et engagées, dont tu es, ces expériences mériteraient une certaine reconnaissance auprès des organismes locaux de soutien à l’entrepreneuriat et un meilleur rayonnement à l’ensemble du Québec. Les fondements du Web 2.0 relèvent d’appropriation de compétences collectives (crowdsourcing) et non pas d’une approche formateur/élèves qui serait à mon avis inappropriée.
«Il ne sert à rien de tirer sur l’herbe pour la faire pousser», Proverbe chinois.
Les adultes ne devraient-ils pas aller rejoindre les jeunes sur l’autre rive. Il me semble que l’herbe y est plus verte…
Salutations!
Bonjour Cindy!
Très bon billet, tu as vu juste concernant le monde de l’éducation. Je suis entrepreneure aussi, et je côtoie régulièrement le monde de l’éducation, de un parce que je travaille pour un organisme en soutien à l’apprentissage (Apprendre Autrement), et de deux parce que mon conjoint travaille dans une école.
D’un côté, à l’organisme où je donne des cours d’informatique aux adultes, nous constatons régulièrement à quel point les jeunes aussi ont besoin d’aide pour améliorer leurs compétences en informatique. Ils sont nés avec un ordinateur, certes, on leur demande de faire leurs devoirs à l’ordinateur depuis la première année… mais peu d’entre eux ont appris les rudiments du traitement de texte ou de la recherche sur le Web. Le Web n’a pas pris toute la place qui lui revient à l’école… parce que le milieu a jugé que les enfants avaient appris «tout seuls» à l’utiliser. Heureusement, mes collègues formatrices sont là pour aider ces jeunes non seulement à améliorer leurs compétences en lecture, en écriture et en mathématiques, mais aussi à tirer profit du Web et à développer leur esprit d’initiative.
Et d’un autre côté, à l’école où mon conjoint travaille, une école défavorisée, c’est parfois désolant de voir à quel point l’esprit d’entrepreneuriat peut être brimé par le personnel «frileux au changement». L’an passé, un petit groupe de jeunes se sont montés une petite entreprise à l’intérieur de l’école, qui fonctionnait très bien. Les jeunes étaient très motivés, très disciplinés, prêts à travailler plusieurs heures bénévolement… Plusieurs ne savaient pas quoi faire de leur avenir, et ont réalisé leur potentiel de futurs entrepreneurs à ce moment-là. Ils avaient plein de projets pour leur entreprise, cette année… Mais le syndicat s’en est mêlé, et beaucoup d’espoirs se sont évanouis. C’est désolant de voir à quel point, parfois, pour certains membres du personnel (pas la majorité, mais une petite minorité qui parle fort), ce n’est pas le développement des jeunes qui prime, mais le «statu quo» afin que leurs tâches restent au beau fixe.
La fin du commentaire laissé par M. Plourde résume très bien ma pensée. Je pense moi aussi que les adultes devraient aller rejoindre les jeunes sur l’autre rive… ou au moins, tenter de construire un pont entre les deux rives!
Merci pour vos commentaires intéressants et qui me poussent à poursuivre la réflexion. Valérie, vous donnez comme exemple des profs qui ont brimé l’esprit entrepreneurial des jeunes, on voit, heureusement, le contraire aussi dans nos écoles (ouf!). Mais la tendance générale veut qu’on essaie, et ce, qu’on soit parent ou prof, de guider nos enfants à ne «pas répéter nos erreurs». On a oublié que c’est grâce à ces erreurs qu’on a appris. Je prends un exemple tout simple : en «bonne» maman que je suis, si un de mes enfants grimpe à un arbre, mon réflexe sera de courir sous l’arbre au cas où il tomberait, de lui dire de faire attention, de le guider voire même de le sommer de descendre de là! Bref, une vraie mère poule! Est-ce que je le fais? Non. C’est parfois dur, mais je ne fais rien de cela à moins qu’il ne m’appelle à l’aide. Combien d’heures de plaisir ai-je moi-même eues à grimper aux arbres avant de tomber et me faire mal? Vais-je enlever tout ce plaisir à mes enfants pour leur éviter un petit malheur? Mais je vous garantis que ce n’est pas facile! Parfois on agit ainsi pour le bien des enfants, parfois par égoïsme parce qu’on veut rester dans notre zone de confort. Et je serais pas mal plus confortable de savoir mes enfants les deux pieds sur terre à jouer au ballon!
Et Jean-Claude voudrait qu’on retrouve les jeunes sur l’autre rive… n’est-ce pas le propre de chaque génération de vivre ce conflit? Sans doute un éternel recommencement! Mais il est nécessaire pour qu’on continue à se comprendre. Ma crainte est que l’écart ne se creuse beaucoup plus rapidement qu’avant.
Les entreprises les plus performantes sont capables d’éliminer les frontières internes et externes.
Je suis allé à Clair2011 plein d’espoir et d’enthousiasme pour explorer sans frontières et sans agenda caché avec d’autres passionnés.
J’en suis revenu avec le doute de la capacité du système d’éducation public à s’actualiser assez rapidement pour encadrer adéquatement nos jeunes cerveaux dans un contexte où l’Internet permet de les lier localement et mondialement tout en leur rendant facilement disponible des savoirs supérieurs à ceux de leurs enseignants.
J’en suis revenu également déçu de la réaction défensive dont tu fais mention dans ton billet, mais aussi de l’absence de représentants du milieu de l’éducation de l’atelier que ma fille et moi avons animé.
Cette réaction et ce «silence» sont très révélateurs des frontières qui freinent, même les plus passionnés, à explorer les stratégies pour actualiser l’éducation dans une perspective de communauté et non seulement à l’intérieur d’un système qui doit se ré-inventer.
J’en sors avec la conviction qu’une vision aussi innovante ne pourra se mettre en place que par l’entreprise privée.
– Le sourire de Mona Lisa –
Dimanche matin, je suis tombé sur ce film inspirant où Julia Roberts joue une professeure d’art dans une université prestigieuse.
Dès son premier cours, ses étudiantes connaissaient par coeur les oeuvres figurant de la manuel scolaire. Au lieu de leur «pousser» de la matière, elle a plutôt modifié son approche pour stimuler les étudiantes à développer leur confiance en soi et leurs habilités à «lire» l’art autrement.
À la fin de l’année scolaire et malgré le fait que les demandes pour son cours n’aient jamais été aussi élevées, elle a quitté l’institution qui lui imposait un cadre trop rigide pour enseigner comme elle le souhaitait.
Combien de professeurs disposant de cette capacité le système actuel étouffe-t-il?
Comment identifier, regrouper et «synergiser» celles et ceux capables de catalyser les leaders se trouvant sur les deux «rives» tout en nourrissant la confiance en soi essentielle à l’entrepreneuriat?
Y a-t-il là une opportunité pour bâtir un nouveau modèle d’école où l’internet est au coeur d’un processus d’apprentissage sans frontières encadré et évalué avec d’autres paramètres?
Est-ce qu’en 2011 il y a une masse critique suffisante de parents, de professeurs et de dirigeants innovateurs au Québec, au Nouveau-Brunswick ou au Canada pour mettre cette nouvelle école en place et la faire prospérer?
Grâce à un RT de @zecool ce matin, il y a déjà des initiatives intéressantes à suivre: http://pedagogie.csdecou.qc.ca/des-coeurs-vaillants/sections/default.php?IdSite=1&IdPere=46
Et c’est au Québec! Je dis ça parce que je lisais la description à la page d’accueil tout en me posant la question : «mais c’est où ça?» Pourquoi est-ce qu’on en a jamais entendu parler? J’espère que ça met un baume sur ta déception. Clair fut un événement très inspirant. Laissons mûrir nos réflexions, il en sortira certainement quelques idées intéressante qui pourront être mise en action.
Je fais partie de cette génération qui, en 1972 à l’Université, s’est fait dire avec incrédulité et stupéfaction que nous étions 120 étudiants dans l’amphithéâtre à essayer d’obtenir une maîtrise en biologie, mais qu’il n’y avait des postes que pour 10 ou 15 biologistes par an. Si le professeur n’avait pas eu cette candeur de nous «ouvrir les yeux», et d’aller au delà de son rôle primaire de nous faire apprendre le nom latin de la grenouille, je serais toujours dans l’illusion qu’un diplôme nous donne droit à une job. Heureusement qu’il y a certains éducateurs qui nous enseignent plus qu’une technique à l’école, qui nous donnent des leçons de vie. Ce que nous dit un éducateur dans nos jeunes années, là où on est le plus influençable, peut être MAGIQUE, ou DÉSASTREUX pour toute notre vie professionnelle.
Les commentaires antérieurs me laissent à penser que c’est toujours d’actualité. Le système éducatif actuel a sans doute fait son temps, mais comment donner aux éducateurs innovants un nouveau cadre où ils puissent se réaliser ?Je suis confiant que la génération de Cindy va trouver la façon de nous faire entrer résolument dans le 21 e siècle. Ce n’est pas d’une évolution que le ministère de l’éducation a besoin, c’est d’une révolution. Commençons par l’appeler Ministère de l’entrepreneuriat, ou Ministère de «se prendre en mains dès l’adolescence», bien au-delà de l’apprentissage de «compétences transversales».
Ça inclut de former une nouvelle râce d’encadreurs-mentors à la Faculté de l’éducation de l’Université. Est-ce que le milieu universitaire va oser ? Qui d’autre pourrait compenser leur inertie proverbiale ?
Je n’ai pas assisté à CLAIR2011, je ne savais pas que ça existait, mais j’ai bien hâte de suivre le prochain.
L’idée est semée, c’est un premier pas. Je suis moi-même une éternelle optimiste et je vois l’avenir en rose plutôt qu’en noir. Il y a des défis à relever, de gros défis, mais j’ai confiance. Trop? Je ne sais pas. Il y a tout de même cette vitesse de changement qu’on n’avait pas avant, est-ce que la société saura suivre? Ça reste que c’est essoufflant, même pour ceux qui ont la meilleure volonté du monde…